Source :Consoles, la nouvelle ère
A l'occasion du Salon de Los Angeles, les modèles annoncés par Microsoft, Sony et Nintendo ambitionnent de faire converger tous les équipements numériques.
Par Bruno ICHER
L'industrie du jeu vidéo veut changer de dimension. En annonçant, juste avant l'ouverture de l'Electronic Entertainment Expo (E3), le grand Salon du jeu vidéo qui se tenait la semaine dernière à Los Angeles, le lancement de leurs surpuissantes consoles de nouvelle génération, la 360 pour Microsoft et la PS3 pour Sony, les deux géants du jeu vidéo ont entrouvert la porte à un monde d'hyperconsommation d'images et de musique. Un monde où la console connectée à l'Internet serait l'élément central du foyer et où télévision haute définition, lecteurs CD et DVD et autres appareils numériques ne seraient plus que des périphériques. Un monde dans lequel tout est accessible, tout le temps et pour tout le monde.
Slogan. Même si l'E3 est depuis dix ans, le paradis de l'annonce surgonflée où chaque phrase est un slogan promettant des lendemains qui chantent, ces prévisions sonnent une nouvelle offensive du jeu vidéo sur le divertissement planétaire. .
Tout a commencé le 12 mai lorsque Microsoft a décidé de dévoiler sa nouvelle console sur MTV. Une annonce mondiale et clinquante avant l'E3 pour couper l'herbe sous le pied de la concurrence, donnant la priorité au grand public sous forme d'une publicité géante. Quatre ans à peine après l'irruption du géant américain sur le marché du jeu vidéo et 1,6 milliard d'euros d'investissements consentis pour la Xbox, Microsoft passe à la vitesse supérieure, avec d'impressionnantes capacités graphiques et toutes les connexions possibles : PC, iPod, téléphones mobiles et même... PSP, la console portable du concurrent Sony. L'objectif est de réunir «un milliard de joueurs» avec une sortie prévue avant la fin 2005.
«La 360 est avant tout une console de jeu, mais nos consommateurs nous en demandent plus, fanfaronne gentiment Chris Lewis, vice-président Europe pour la Xbox. Nous voulons être le point central du living-room.» L'annonce a produit son petit effet.
Avalanche. La réplique ne s'est pas faite attendre. Sony, au cours de sa traditionnelle conférence d'avant E3, mardi dernier, a dévoilé sa PS3. Tout le monde savait que la firme japonaise allait marquer le coup mais personne ne s'attendait à un tel show. Une avalanche de chiffres vantant la puissance du nouveau petit monstre (deux fois celle de la 360) et un déluge de promesses sous forme de démonstations effarantes des futurs titres. Avec une résolution de 2 millions de pixels et le bientôt célèbre processeur Cell, les images ne sont plus très loin désormais des images de synthèses des blockbusters américains. Toutes sortes de connexions sont ici aussi au programme, et l'ambition est aussi de faire converger toutes les industries du divertissement via la console.
A Los Angeles, la fête n'aurait pas été complète sans le troisième larron, Nintendo, qui a toujours su manier l'art subtil du contre-pied. Le fabricant japonais n'a pas fait injure à sa réputation, et a dévoilé sa console de nouvelle génération, la Revolution. La salle a longuement applaudi , hurlant de plaisir quand le président Iwata a annoncé que cette console pourrait accueillir tous les jeux Nintendo depuis la création de la firme.
Cette avalanche d'annonces ouvre une nouvelle bataille dans la guerre des consoles. Elle ravive aussi, plus tôt que prévu, le dilemme que connaissent bien les consommateurs : PS3, 360 ou Revolution ? Impossible à dire aujourd'hui : la PS3 ne sortira pas avant le printemps 2006 et la 360 n'a pas dévoilé assez d'éléments pour se faire une idée. Le choix se complique d'autant que les consoles déjà sur le marché sont assez loin d'avoir donné le meilleur d'elles-mêmes. David Reeves, président européen de Sony, reconnaît que «la PS2 n'en est qu'à 60 % de son potentiel. C'est d'ailleurs notre priorité numéro un dans l'année qui vient, en développant des concepts de jeu innovants. Tout comme pour notre console portable, la PSP, qui sera notre seconde priorité». La Xbox, elle, n'a que quatre ans d'existence et la Gamecube satisfait amplement les fans de Nintendo.
Inquiétude. Du côté des éditeurs, si tout le monde se sent obligé d'applaudir à cette relance flamboyante du secteur, un brin d'inquiétude pointe. «Il est probable que les coûts de production des jeux soient plus importants de 20 % à 30 % pour ces nouvelles consoles», estime Gerhardt Florin, président européen d'Electronic Arts. Avec une répercussion sur le prix des jeux dans le commerce, qui pourrait passer de 60 à 80 euros en moyenne. Chez Atari, Jean-Michel Perbet, président Europe veut voir dans cette évolution frénétique l'avènement d'«une culture du jeu qui s'est imposée peu à peu. De cette offre multiple, jeux sur téléphones mobiles ou consoles portables jusqu'aux consoles de salon sophistiquées, vont découler de nouveaux usages».
Autrement dit, le jeu vidéo pourra se développer ailleurs que sur les consoles de salon et conquérir ce fameux marché de masse après lequel il court depuis la première PlayStation il y a dix ans. «Nous croyons que le grand public est prêt à découvrir et adopter ces technologies, affirme Phil Harrison, directeur du développement chez Sony. Ce n'est pas tant la technologie ou la puissance qui font le succès de la PS3 mais le comportement des utilisateurs. Moi, j'aime jouer sur ma console ou regarder un DVD, mais ma mère, elle, aime juste regarder les photos numériques des enfants sur sa télé. Je crois que cette semaine, une nouvelle industrie a remplacé celle du jeu vidéo, mais je ne sais pas encore comment elle s'appelle.»
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