Le site Itrgames a rencontré Hans-Jürgen Kohrs, Directeur Général de Konami France, qui nous parle des futures projets de l'éditeur Nippon.
Metal Gear Solid 3 arrive dans quelques jours en France. Comment allez-vous le positionner ?
Hans-Jürgen Kohrs: La date de sortie a été avancée au 3 mars. Nous souhaitons positionner Metal Gear Solid 3 comme un véritable retour aux sources pour cette série référence dans le domaine de l’action/infiltration. La sortie du titre en fin d’année 2004 aux Etats-Unis puis au Japon a été un vrai succès : malgré un démarrage des ventes un peu lent sur le marché américain, les ventes ont explosé : plus de 900 000 exemplaires du titre y ont déjà été écoulés. Pour le lancement européen, nous avons mis en place un important dispositif marketing avec une visibilité massive : campagne TV, affichage… Notre cible sur un titre de ce type est clairement grand public et nous souhaitons, avec ce troisième opus, redonner à la licence son statut de titre classique et à terme de vrai référence de « fond de catalogue » doté d’une bonne durée de vie comme l’est toujours le premier Metal Gear Solid sur PlayStation, qui doit avoir dépassé les 500 000 ventes en France ! Nous avons tiré les enseignements du lancement de Metal Gear Solid 2…
Les performances de Metal Gear Solid 2 étaient donc décevantes ?
Nous avons rencontré plusieurs problèmes avec le second volet. Tout d’abord au niveau du jeu en lui-même : de nombreuses critiques ont souligné la prépondérance des scènes cinématiques non interactives, l’apparition du personnage de Raiden au détriment de Solid Snake… Le jeu a plu aux « gamers » mais le grand public a pu être déçu par cette orientation de la série : c’est la raison pour laquelle Metal Gear Solid 3 sera plus facile d’accès et bien plus proche de l’expérience du premier opus. Ensuite, le jeu était positionné à l’époque à 70 euros, donc légèrement au-dessus de la moyenne. Nous avions enregistré 330 000 précommandes et livré 250 000 exemplaires en day one… malgré un bon départ, les ventes ont chuté au bout de deux semaines, notamment à cause du marché de l’occasion où l’on trouvait le jeu à moitié prix. De nombreux revendeurs se sont par la suite plaints de leurs stocks trop importants sur ce titre…Avec un mois de mars particulièrement concurrentiel, nous préférons être prudents sur Metal Gear Solid 3, même si nous sommes certains de la qualité du produit qui a été salué par la plupart des titres de la presse spécialisée mais aussi nos clients acheteurs. Nous comptons également profiter d’un parc installé de consoles quatre fois plus important. Nous implantons 200 000 exemplaires à la sortie, sachant que nous pouvons être très réactifs concernant la production : deux semaines seulement nous sont nécessaires pour être livrés en réassorts. Nous voulons refaire de Metal Gear Solid un titre demandé.
Pro Evolution Soccer est l’autre titre emblématique de Konami. Où en sont les ventes de la quatrième version ?
En cumulant les versions PlayStation 2, Xbox et PC du jeu, nous en sommes aujourd’hui à plus de 750 000 exemplaires en France. A elle seule, la version PlayStation 2 s’est à ce jour vendue à 600 000 pièces en sorties caisse et elle continue à très bien performer. La France est le premier marché pour ce titre en terme de ratio jeux par machine, qui s’est vendu à titre de comparaison, à environ 90 000 exemplaires sur le marché allemand. Nous avons lancé pour la première fois cette année une version Xbox du jeu, qui a rempli ses objectifs : avec 77 000 exemplaires vendus et donc un taux d’attachement d’environ 10% des possesseurs de la machine en France, Pro Evolution Soccer 4 s’est imposé comme la référence des simulations de football sur la console de Microsoft. Selon GfK, nous sommes devant le FIFA de Electronic Arts sur la plateforme Xbox en terme de volumes de ventes. Enfin, la version PC a été une bonne surprise cette année : après une première version à l’époque de PES 3, nous avons aujourd’hui vendu plus de 35 000 exemplaires de la version PC… qui reste incontestablement la plus réussie des trois sur le plan technique, à condition de posséder une bonne configuration. Dès les premières semaines, la version PC s’est très bien vendue et est par exemple restée cinq semaines consécutives dans le Top 10 des ventes PC. Un seul regret sur les versions Xbox et PC : les fonctionnalités de jeu en réseau sont moins développées que nous l’espérions, autorisant uniquement le jeu en « un contre un » et non la mise en place de ligues virtuelles … Les développeurs de Konami travaillent sur de nouvelles versions comme un Winning Eleven 8 Online (ndlr : version japonaise de Pro Evolution Soccer) qui devrait sortir en Europe. Reste que le plus important frein à un jeu de sport vraiment multijoueurs en ligne reste en Europe l’infrastructure du réseau, bien moins puissant qu’au Japon.
Comment expliquez-vous ce succès particulièrement en France ?
En quelques années, la série Pro Evolution Soccer a imposé son image de titre référence dans le domaine de la simulation de football. Si sa jouabilité a d’abord été conçue pour répondre aux exigences des « gamers », l’aura du titre lui permet aujourd’hui d’être vraiment grand public. La PES League, que nous avons créée ici chez Konami France est également un atout majeur puisqu’elle contribue fortement à développer le phénomène communautaire autour du jeu. Nous organisons par ailleurs des tournois réunissant des personnalités avec d’une part la PES League Pro, qui réunit de nombreux joueurs de football professionnels, tous adeptes de la série, mais aussi d’autre part des événements comme le tournoi PES League VIP, qui a rassemblé plusieurs personnalités (Kool Shen, Eric et Ramzy, Titoff…) au cours d’un tournoi retransmis sur MCM. Tout ceci constitue un vrai travail sur l’image de la marque, élaborée sur la durée.
Comment pourriez-vous résumer aujourd’hui la stratégie éditoriale de Konami ?
Traditionnellement, le cœur de cible de Konami se situe plutôt du côté des « gamers » mais certains titres comme Pro Evolution Soccer ou Metal Gear Solid s’étendent évidemment au grand public. Disons que notre coeur de cible concerne aujourd’hui la tranche des 15 à 34 ans. L’objectif de Konami aujourd’hui, c’est de tendre vers une diversification de notre catalogue de jeux. Par exemple, depuis le succès de Yu-Gi-Oh, nous développons notre stratégie concernant les licences. Konami vient par exemple de signer pour l’adaptation en jeux de trois licences grand public : Witch Club, Shaman king et Dragon Buster. Nous allons par ailleurs aborder de nouveaux genres de jeux cette année, pour des publics différents avec par exemple Rumble Roses, une simulation sexy de catch féminin qui arrive sur PS 2 en février, un titre comme Crime Life, inspiré par la culture street : le joueur devra notamment exceller dans l’art du « tag » ! Nous proposerons aussi dans les prochains mois un jeu d’action en vue subjective inspiré du SAS britannique sur PC et PS 2, un genre nouveau pour Konami. Encore dans un autre registre, nous lancerons en mai Enthousia Professional Racing, une véritable simulation automobile particulièrement réaliste développée par une équipe très pointue sur le sujet. Nous allons fortement travailler sur l’image de ce titre car Konami compte en faire une série à part entière…
Quid des jeux musicaux ?
Le genre a du mal à performer en France. Dommage lorsque l’on voit le succès des jeux musicaux Konami au Japon ou même en Angleterre, où plus de 1,2 millions d’exemplaires des titres Dance Dance Revolution ont été vendus. En France, la moyenne s’établit davantage autour de 15 à 20 000 exemplaires pour un titre. Lorsque nous avons lancé les derniers titres en date l’année dernière, nous avons subi de plein fouet la concurrence des accessoires BigBen à prix plancher ou encore du tapis de danse Sony qui était alors bradé. Nous avons des projets de lancements dans le genre sur 2005, mais cela passera nécessairement par une signature avec un important partenaire hors secteur du jeu vidéo, mais en rapport avec l’industrie musicale.
Comment se comporte actuellement la licence Yu-Gi-Oh ?
Très bien ! La France a été le premier territoire européen à lancer Yu-Gi-Oh et Konami s’est chargé dans un premier temps de la commercialisation tant des jeux vidéo que des cartes à jouer basées sur la licence. Aujourd’hui, la distribution des cartes à jouer est assurée par Upperdeck, une société spécialisée dans ce secteur… et qui va vendre jusqu’à 800 000 exemplaires en France d’une nouvelle extension ! Côté jeux vidéo, nous écoulons en moyenne 40 000 exemplaires de chaque titre, notamment sur GBA. Dans les prochains mois, Yu-Gi-Oh sera présent sur les nouvelles consoles, notamment portables, mais nous devrions réduire le nombre de sorties de jeux basés sur la licence. La question que nous sommes posés, cela a été de savoir comment conserver le public des joueurs de plus de 16 ans : nous lancerons pour cela un nouveau concept de jeu Yu-Gi-Oh sur PC courant avril. Il s’agira d’un titre dédié uniquement à l’organisation de tournoi de cartes virtuels en ligne… dont la particularité sera la gratuité du logiciel, qui sera notamment diffusé dans la presse. Les joueurs du monde entier pourront se connecter à cette interface pour chatter, communiquer via des forums, assister à des matchs mais aussi y participer, ce qui sera en revanche payant. L’objectif est, tout comme pour Pro Evolution Soccer, de dynamiser l’aspect communautaire autour du titre. Nous lançons le beta-test en février et le jeu devrait être opérationnel mi-avril. Concrètement, nous commercialiserons des crédits de jeu sous la forme de cartes qui seront positionnées à 2,95 euros pour une trentaine de crédits plus neuf cartes électroniques… soit une forme de « booster » virtuel. Pour le retail, nous réfléchissons à plusieurs présentations dont l’une sous la forme d’un boîtier DVD renfermant le logiciel plus trois cartes.
L’édition de cartes à jouer ne représente-t-il pas un premier pas vers une diversification des activités de Konami ?
Rappelons que le jeu vidéo ne représente qu’environ 50% de l’activité de Konami à l’échelle mondiale ! Depuis de nombreuses années, la stratégie de Konami a été de diversifier ses activités dans différents secteurs afin de ne pas être trop dépendant de l’un d’entre eux… Outre le jeu vidéo donc, Konami fabrique également au Japon des jouets, dont de nombreux produits dérivés de licences, mais aussi depuis quatre ans des machines à sous présentes sur les territoires japonais et américain sans oublier l’activité des machines d’arcade, toujours très populaire en Asie. Au Japon, Konami possède même une université de développement, la Konami School et une chaîne de salles de gym !
Des rapprochements avec d’autres industries de l’entertainment sont-ils prévus ?
Konami a toujours été très attentif à cette tendance, c’est notamment la raison pour laquelle des bureaux ont été ouverts en 2003 à Los Angeles, où sont réunies des équipes du monde entier. La décision d’ouvrir ces bureaux à un endroit aussi stratégique est bien sûr loin d’être gratuite, elle permet à Konami d’être en contact étroit avec l’industrie du cinéma, de la musique… Mais ces formes de rapprochements ont d’ores et déjà eu lieu, qu’il s’agisse de la prochaine adaptation de Silent Hill au cinéma par Christophe Gans ou encore de la bande originale des deux derniers Metal Gear Solid signée Harry Gregson-Williams, compositeur hollywoodien réputé… que nous commercialiserons d’ailleurs sous la forme d’un double album incluant des éléments bonus pour le jeu. Nous avons des projets de partenariats autour de films, comme nous l’avons fait récemment pour le jeu basé sur la licence de Roi Arthur. Mais c’est un secteur dans lequel il s’agit de faire ses preuves…
Avez-vous des projets dans le domaine de la téléphonie ?
Tout à fait, Konami a la volonté de développer ses activités en rapport avec le jeu en réseau, que ce soit via les jeux multijoueurs en ligne ou via les titres jouables sur téléphones portables. Pour cette deuxième activité, c’est Konami Japon qui conclut en direct des partenariats avec les différents fournisseurs et nous vendons déjà depuis trois ans des titres pour portables sur les marchés anglais et allemand. Pour la France, des discussions sont encore en cours avec les opérateurs, mais nous prévoyons de créer un poste chez Konami France d’ici quelques mois pour gérer spécifiquement cette activité.
Comment est aujourd’hui organisé Konami France ?
Konami France est une succursale du groupe Konami. La structure en soi existe depuis le début des années 90 mais la distribution des produits n’a été effective qu’à partir d’avril 1998, après une réorganisation globale du groupe suite au tremblement de terre de Kobe, où était situé le siège de Konami. En dépit d’un nombre de sorties de plus en plus important chaque année, soit environ une cinquantaine de références sur l’année fiscale à venir par exemple, l’effectif de la succursale a subi peu de changements depuis 2000. Konami France, ce sont aujourd’hui 12 personnes, réparties entre moi-même, un Responsable administratif et son assistante, une Directrice marketing et communication, un Directeur commercial, un Responsable des grands comptes, un comptable, deux assistants à la vente, une personne dédiée aux relations publiques, un assistant pour le marketing et une stagiaire. Nous bouclons notre année fiscale au 31 mars et sommes actuellement très proches de nos objectifs : nous devrions enregistrer pour cette année un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros, notamment grâce à la sortie de Metal Gear Solid 3.
Quelle est la place de Konami France au sein de l’Europe ?
Le marché français représente environ 24% du business de l’Europe, mais cela dépend bien entendu des titres commercialisés sur la période. Nous représentons le second marché en Europe pour Konami, juste derrière l’Angleterre… même si nous pourrions bien passer devant cette année, notamment suite au succès de Pro Evolution Soccer 4 ! Au niveau mondial, les marchés japonais, américain et européen comptent chacun pour environ un tiers du business jeux vidéo de Konami. Hormis quelques titres particuliers, les line-up de jeux sont quasiment identiques entre les trois territoires.
Les nouvelles consoles portables arrivent dans quelques semaines en Europe. Que pensez-vous des deux machines ?
Konami sera présent tant sur Nintendo DS que Sony PSP. Notre line up 2005 comprend notamment six titres pour la console Nintendo et huit pour celle de Sony, dont deux au lancement. Il est difficile aujourd’hui de pronostiquer ce que les joueurs vont privilégier : la machine la plus originale avec la Nintendo DS, ses fonctions tactiles et son double écran ou encore la machine la plus puissante. A ce jour, je peux juste vous confirmer que les développements sont bien moins onéreux sur Nintendo DS !
Comment anticipez-vous l’évolution du marché avec l’arrivée prochaine des consoles de salon de nouvelle génération ?
Les investissements en terme de développement vont être de plus en plus importants, égalant au minimum ceux de films à moyen budget. Pour assurer leur pérennité, les éditeurs vont devoir diversifier leurs catalogues et développer leur offre en multipliant par exemple les titres basés sur des licences différentes. Etant donné les budgets qui seront engagés, le « flop » d’un titre aura d’autant plus d’impact sur le cours de la bourse d’un éditeur… les actionnaires sont tout sauf patients dans ce cas de figure. Seule la diversification pourra nous préserver d’être trop dépendant du succès d’un titre en particulier. Quoi qu’il en soit, l’objectif de Konami pour la prochaine génération de machines va être de préserver son statut de premier éditeur japonais et d’asseoir son positionnement dans le top 5 des éditeurs mondiaux de jeux vidéo.
(ItrGames)
Bon y a juste une erreur:le 1er éditeur-tiers JAP c'est Square-Enix.
Sinon le développement sur Nintendo DS est bien moins onéreux que sur PSP c'est confirmé comme je l'ai toujours pensé (désolé yin-yang et ses acolytes),ce qui représente un bel avantage.