Je partage une (grande ?) partie de ton ressenti, notamment la panne démocratique actuelle. Mais je ne serai peut-être pas d'accord sur les causes :
Cyrare a écrit : 08 juil. 2024 13:10
on a plus eu l'impression d'avoir le système de vote de Koh Lanta qu'un vrai système démocratique. Les candidats ont fait des stratégies, et c'est pas celui qui aurait dû gagner qui gagne.
Le problème ce n'est pas tant les stratégies, mais le système qui les impose : on l'a bien vu en 2002, c'est justement la dispersion des voix de gauche (et donc l'absence de stratégie globale) qui ont permis à Le Pen de se qualifier pour le second tour. Alors qu'un second tour Chirac VS Jospin au second tour aurait été très très serré : est-ce que cette situation qui est inverse à celle vécue sur ces législatives n'a pas mené à un problème démocratique plus fort, le second tour ne servant du coup à rien, et empêchant les électeurs de vraiment faire un choix entre deux candidats "crédibles" ? Faudrait-il également une possibilité de triangulaire à l'élection présidentielle ? Ou bien de ne faire qu'un seul tour ? (Mais dans ce cas on en revient à la stratégie de faire l'alliance la plus large possible pour gagner)
D'ailleurs, ce qu'il s'est passé sur ces Législatives c'est la même chose que lors de la dernière dissolution spontanée, avec la Gauche Plurielle de Jospin en 1997.
Il ne faut pas oublier non plus que ces élections ont été faites à l'arrache la plus complète, la stratégie de Macron étant probablement d'aller le plus vite possible afin de ne pas laisser la gauche s'organiser, pour pouvoir justement qualifier ses candidats plus facilement au second tour : quelque part, c'est un déni de démocratie que d'avoir laissé un délai aussi court. Et c'est peut-être même ce qui a favorisé l'alliance à gauche : Macron parait sur le fait qu'ils n'auraient pas le temps de s'accorder, ils n'ont finalement pas eu le temps de se déchirer.
Ce qui amène à cette situation, le véritable problème à mon sens, c'est notre mode de scrutin, l'uninominal à deux tour. À l'inverse, celui des élections des européennes n'a soulevé aucun questionnement : on vote pour des listes de gens et ils ont des députés en fonction de leur score, ce qui semble plus "démocratique" dans l'absolu.
David Louapre avait fait cette vidéo lors de la présidentielle de 2017, je trouve qu'elle montre bien que l'uninominal à deux tours est dépassé et que d'autres modèles existent (même si probablement aucun n'est parfait, ne serait-ce que parce qu'ils sont plus contraignants pour les électeurs) :
Cyrare a écrit : 08 juil. 2024 13:10On nous a volontairement privé de choix parce que ceux qui avaient peur de la démocratie ont préféré garder leur poste.

Je ne suis pas sûr de comprendre, parce que pour moi ce sont justement ceux qui se sont accrochés à leur poste, en refusant de laisser leur poste à quelqu'un d'autre (genre les fameux dissidents LFI comme Corbière ou Simmonet) qui ont proposé "plus de démocratie". Pour le reste, on en revient au problème du mode de scrutin qui implique de se diviser le moins possible.
Par contre c'est très vrai pour ce qu'il s'est passé depuis 2 ans, notamment chez les LR : ils ont systématiquement voté contre les motions de censures liées à des 49.3 de peur de la dissolution, et de perdre encore plus de sièges lors des élections. (là ils s'en sortent miraculeusement bien, potentiellement ragaillardis par la trahison de Ciotti)
Cyrare a écrit : 08 juil. 2024 13:10Mélenchon nous fait croire qu'il a gagné mais LFI c'est 75 députés.
Le truc, c'est que tout le monde a gagné et perdu en même temps (du moins chez les trois premiers, parce que Zemmour a tout perdu lui

et LR reste stable).
- le NFP a gagné mais n'a pas de majorité absolue
- aucun parti à l'intérieur du NFP n'a de majorité non plus
- le parti présidentiel a perdu beaucoup de députés, mais n'a pas été détruit par la dissolution
- le RN a perdu, mais a gagné un nombre important de députés (plus représentatif de sa rélle popularité qu'en 2022)
Un lendemain d'élection, tout le monde essaie de tirer la couverture a soi ou de minimiser sa défaite. Mais là, quand on regarde à l'horizon 2027, les gagnants c'est plutôt le RN : ils n'ont pas à gouverner, la France est ingouvernable et ce n'est pas de leur faute, et les grandes coalitions en Europe ont toujours été sanctionnées par un vote extrême droite lors des élections suivantes (remember Jörg Haider en Autriche en 99 ou Pim Fortuyn aux Pays-Bas en 2002).
Et le discours de Bardella va justement dans ce sens, pour déjà décrédibiliser la potentielle coalition qui va se créer, et se positionner comme la seule force crédible après l'échec des gens élus hier.
Cyrare a écrit : 08 juil. 2024 13:10
Je vote de moins en moins, j'ai pas l'impression que le peuple soit vraiment écouté ni même que les politiques soient vraiment investis. C'est du théâtre, je ne saurais pas vraiment dire depuis quand c'est le cas et si y'a eu un jour un point de bascule ou si ça a été doucement progressif mais ça ne présage rien de bon.
Il est difficile de dire si ça a été progressif avant ça, mais pour moi Macron a été un point de bascule assez clair : il est l'archétype du politicien qui dit blanc un jour et noir le lendemain. plus le temps avance plus il essaie de ne convaincre que par les mots (creux, qui changeront si c'est à son désavantage plus tard) plutôt que par les arguments. Sa stratégie pendant ces Législatives, la même que Bardella, à agiter le spectre de l'extrême gauche en réduisant le NFP à LFI, en est un symptôme clair : peu importe le sens des mots et la réalité, l'important est que ça s'ancre dans l'esprit des gens. C"est typiquement trumpiste comme stratégie, et le fait que Macron s'y soit mis aussi a même incité Bardella et Le Pen a ouvrir les vannes du concept chez eux : voilà que le RN est le seul rempart face à la violence et l'antisémitisme, un parti entre le centre droit et le centre gauche américains, et les héritiers de Jean Moulin...
Et c'est ça qui est vraiment le plus problématique pour moi : si la réalité n'a plus d'importance, et que l'important est juste de croire sur parole le leader du parti, on n'est plus dans la politique, mais la religion. Et dans ce cas, il n'est quasi pas possible de débattre, d'argumenter ou de prouver quoi que ce soit.
D'où le même constat :
Cyrare a écrit : 08 juil. 2024 13:10
Je constate que notre système démocratique est en panne.
Mais plutôt dans notre système politique, plus que démocratique. J'ai toujours été un fanatique de la Vème République, que j'ai moi aussi crue infaillible, mais maintenant j'ai vraiment le sentiment qu'elle est à bout de souffle, et qu'elle vient de tomber dans une situation où elle montre ses limites. Ce cas n'est pas prévu, et pourtant il est arrivé. Il va peut-être être temps de changer profondément le modèle, afin de retrouver de la démocratie, de la représentativité, et pourquoi pas de sortir de la toute puissance du Président de la République, qui est un homme providentiel qui amène à la situation ci-dessus : seuls les personnalité fortes comptent, et ils en deviennent des prophètes plus que des leaders...
Du coup, je suis plutôt pour ce qu'a évoqué Clément Viktorovitch dans son stream aujourd'hui : une
Assemblée constituante chargée de rédiger une nouvelle constitution, plus compatible avec l'époque actuelle. Mais pour ça, il faudrait que la gauche refuse de gouverner et demande ça d'une seule voie à Macron. Autant dire qu'il y a très peu de chances que ça arrive...