Pour moi, c'est décidé, ce sera Bayrou.
Publié : 15 avr. 2007 21:28
Ce topic n'est pas un pronostic mais bien une opinion. J'aurais voulu la poster 2 mois plus tôt mais je ne l'ai pas fait pour diverses raisons : manque de temps, doutes, besoin de vérifier la cohérence entre déclarations et actes, problème de ma cohérence politique personnelle.
Je dois aussi rajouter que si je poste ce message c'est tout autant pour exprimer un point de vue que pour convaincre. A partir du moment où je considère qu'une certaine décision est bonne, je vais essayer de la défendre. C'est quelque chose de nouveau pour moi puisque jusqu'ici, les précédents votes auxquels j'ai participés et me suis intéressé ne m'ont jamais donner suffisamment de certitudes pour me pousser à exprimer mon opinion et essayer de convaincre plutôt que, comme avant, me contenter d'informer et questionner.
C'est plus engagé et donc plus casse-gueule.
Bref vous voilà prévenus, maintenant, la question : pourquoi ?
Pour ceux qui n’ont pas envie de lire les détails, voici les deux principales causes qui vous permettront de juger sur pièce, pour les autres, c’est après que ça se passe :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=15126
http://www.bayrou.fr/propositions/ecole.html (la vidéo, y’a 2 passages longuets, 1 au début, l’autre quand il y a un problème dans la salle, préchargez la vidéo pour zapper ça plus vite. La partie éducation arrive après pas mal d’autres sujets)
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De base, depuis des années, je considère que l'environnement est totalement ignoré, méprisé, par les hommes et femmes politiques qui nous dirigent ou sont susceptibles de le faire alors qu’il s’agit pour moi d’un enjeu qui dépasse tous les autres en importance puisque de long terme. Je me suis donc, par défaut, prononcer pour les Verts pendant des années, chaque fois que le ou la candidate avait un minimum de crédibilité et/ou que les scores principaux étaient assurés.
Plusieurs problèmes pour cette élection par rapport aux Verts. 1° Le réchauffement climatique est désormais un fait visible par tous, même par les plus aveuglés (Juppé a même eu une illumination pendant son séjour au Canada), Bush est coincé, Hulot a fait signé un pacte à presque tous les candidats ; 2° Dominique Voynet n’a aucun charisme ni réelle crédibilité.
Je le dis d’autant plus facilement que j’ai fait l’effort d’assister à son discours d’investiture à Nantes. Ce fut un grand rafraîchissement puisque à l’époque tous les médias que je consultais parlaient de Sarkozy sans pour autant remettre en cause (ou même en perspective) ses idées ; soudainement là j’ai eu droit à plusieurs attaques en règle et mentalement c’était un grand bol d’air frais tout comme le fait d’entendre longuement parler de vrais débats de fonds : choix économiques, sociaux, énergétiques, etc.
Seulement au-delà d’un manque de talents d’oratrice (constamment sur un ton plaintif, larmoyant), Voynet m’a tout autant plu par certaines idées écologiques que repoussée par d’autres idées venant d’extrême gauche (nombreux chez les partisans verts) et/ou de tendances régionalistes. Je ne suis a priori pas contre discuter de ce genre de questions, mais je considère que ce n’est pas le cadre pour le faire. Rajoutez à ça que chez Voynet le chemin est très long entre les paroles et les actes… Bref, non.
Voynet éliminée, je me suis tourné d’autant plus facilement vers les socialistes que je suis de tendance gauche et que, très tôt, Ségolène Royal a parlé d’environnement et de manière concrète.
Nous sommes à la mi-2006, les primaires socialistes sont en préparation, les nouveaux adhérents pourraient enfin faire évoluer ce vieux parti qui se regarde le nombril depuis 5 ans.
J’ai beaucoup d’informations contradictoires la concernant. Dès qu’il s’agit de savoir ce qui se passe dans sa région, les réactions sont systématiquement négatives (complot ? Déjà ?). Son style, son apparence, trop hautaine et cassante pour moi, m’incite à être prudent… Mais être socialiste, une femme, dire que les 35h ne sont pas forcément une bonne chose, que l’environnement est important, que la transparence doit être de mise en matière d’utilisation des fonds publics, parler de l’après-pétrole, etc, le tout en adoptant une démarche différente qui ne soit pas dogmatique-socialiste.
Problèmes à nouveau, après les premiers bons échos que je viens de citer, vient la question de la cohérence, de la crédibilité, du fond.
Arrivent les primaires socialistes, fin octobre, début novembre de mémoire. Je penche plutôt pour Stauss-Kahn, qui me semble plus sérieux, plus solide… Mais qui reste un ancien prof d’économie, qui parle trop vite, trop analytique, trop France d’en-haut et gauche caviar. Côté Ségo, j’ai entendu tout et son contraire, info sur intox sur info, bref, mon avis je le ferai pendant les 3 débats socialistes. Problème, où les voir ou entendre ? Grâce à France Inter, j’apprends que France Culture diffuse. J’ai manqué le premier (paraît-il ennuyeux et convenu), j’aurais les 2 et 3è, écoutés avec un léger penchant mais très ouvert d’esprit.
Je passe sur la diction très étrange de Royal pour finalement reconnaître la réalité de mes soupçons de départ : incapacité chronique à débattre sur le fond, avec des arguments détaillés et solides ; et surtout, chose qui pour moi est aussi révélatrice que très importante pour un poste de Président de la République française, grosses lacunes sur le plan de la politique internationale, domaine sur lequel je m’estime suffisamment informé pour juger un minimum.
Autant je suis prêt à comprendre sa volonté de dialogue au Liban et en Israël, autant il y a certains sujets (tels ceux-là) où il est extrêmement dangereux de ne pas avoir de bases solides sur les forces, les problématiques en place. C’est d’autant plus grave que la France a une place particulière dans l’Union Européenne et que le monde a énormément besoin actuellement d’une Union forte, c’est-à-dire cohérente et engagée pour des valeurs différentes de celles défendues par les Etats-Unis notamment.
Je suis persuadé que Royal n’aurait pas été élue si les débats avaient réellement eu accès à un grand public. Seule une infime minorité les a suivis et ce qu’en on rapportait les journalistes était très sommaire. Je pense que sa qualification s’est faîte sur les sondages la présentant comme adversaire crédible de Sarkozy. Les partisans socialistes, toujours la tête dans le 21 avril et contrairement à la population globale ensuite, ont suivi les sondages. Or à ce moment-là, la population n’était pas encore dans la campagne et la connaissait donc très mal.
Royal qualifiée, il ne me restait plus grand chose, si ce n’est un neuneu ridicule qui m’amusait à moitié chez les Guignols de l’info… d’origine centre-droit par-dessus le marché, Bayrou…
Ceci dit, l’image que j’avais de lui avait déjà évolué grâce à ma lecture de Marianne notamment (mais aussi d’autres journaux) qui avait noté, par exemple, sa prise de position sur la privatisation scandaleuse des autoroutes (à un prix très amical…) ou son refus de voter le budget déficitaire. J’avais aussi vaguement compris qu’il était un vrai internaute, mais bon... Un peu maigre pour en faire un vote possible.
Je vous passe les détails, pour moi, le vrai tournant à eu lieu à la fin janvier lorsque je suis tombé sur cette série de vidéos :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=15126
1h d’entrevue demandée, 3 h au total. Des vidéos courtes (pas plus de 20min), j’ai commencé par le début en me disant que j’allais me faire ça pendant quelques jours… j’ai tout écouté le même jour.
Le style de l’entrevue est déjà quelque chose d’intéressant, pas de journaliste pris par le temps pour le couper au bout de 30s, pas de caméra à fixer (ou très peu)… Il est dans son bureau, avec ses bouquins, ses habitudes, son univers, son mac, ses manies même… Quelque part, je me dis que pour savoir s’il est honnête, c’est un très bon contexte, même s’il faut rester prudent.
Finalement, il m’aura totalement convaincu. Convaincu sur la bêtise des guéguerres internes qui pourrissent la politique française depuis trop longtemps et n’ont pas toujours étaient aussi présente (=> De Gaulle) ; convaincu sur la nécessité d’allier toutes les bonnes volontés pour traiter les graves problèmes auxquels sont confrontées la France et l’Europe (énergie, agriculture, immigration, défense) ; convaincu sur sa vision européenne et sur son analyse très nuancée du vote du référendum européen (il est le seul dans ce cas) ; convaincu sur la nécessité de rationaliser certaines choses simples et bien trop gourmandes en ressources telle que la décentralisation et la question de l’étage « département » avec la montée en puissance des communautés urbaines ou la simplification du versement des allocations par un système à point ; convaincu sur la nécessité d’une poursuite de la réforme des retraites en prenant notamment en compte la dureté du travail, dimension sur laquelle patronat (surtout) et syndicat ont, jusqu’ici, été incapables d’aboutir.
Sur beaucoup de ces sujets, j’avais déjà une opinion, ce qui m’a fait vraiment adhéré c’est bien la façon dont il pose le pose le problème. Si vous avez le bon diagnostic, alors vous risquez de donner le bon remède.
C’est tout le contraire d’une personne qui, à un problème, vous sort directement une solution sans être passée par les cases intermédiaires : Saddam Hussein ? Guerre (Bush). Voyous ? Karcher (Sarkozy). Ecole en panne ? Prof à 35h (Royal)... =>
Là où, par-dessus tout, il m’a convaincu c’est sur sa recherche d’équilibre, de faire en sorte de ne pas opposer traditionnels et progressistes, gauche et droite, sa volonté de recherche de consensus plutôt que de solutions peut-être plus claires, plus autoritaires dont il pourrait se glorifier par la suite mais qui ne servirait pas l’intérêt général mais simplement une partie de la population.
Quant à ce qui est d’une éventuelle 6è République ou de l’international, là encore, son approche posée et rigoureuse m’a convaincue. J’attends impatiemment, s’il est élu, de voir ce qu’il fera vis-à-vis de l’Afrique où l’image de la France est parfois détestable, et avec raisons.
J’ai (encore maintenant) certains doutes et objections sur le fond, il a, pour moi, des progrès à faire sur l’environnement, j’attendais une position plus nuancée sur la Turquie… mais globalement, la différence est très nette. Il ne joue pas dans la même catégorie que ses 2 concurrents.
Trop flou, pas de programme ? Mauvais arguments, quand on cherche à faire un gouvernement d’union, on n’arrive pas avec des propositions toutes faîtes et non-négociables ; encore plus lorsque l’on veut freiner le style autoritaire pour aller vers celui du consensus.
Et Sarkozy ?
Je me suis beaucoup interrogé sur Sarkozy, beaucoup moins sur la majorité des attaques qui lui étaient faîtes pendant 5 ans que sur ses actes.
Par moment, face aux caricatures dont il faisait l’objet, j’ai réellement cru qu’il était dans une optique « arrivé par n’importe quel moyen au pouvoir pour ensuite mettre en place ses idées, librement et totalement (sous-entendu, jusqu’ici « on » l’en empêche) quitte à faire le contraire de ce qu’il pense (en participant à un gouvernement Chirac par ex)». Mais d’une part son opposition a été parfois uniquement de façade ou bien extrêmement silencieuse (Suez-GDF, CPE, Irak), d’autre part, et c’est bien là tout le problème : « n’importe quel moyen ».
Ce type a totalement corrompu une presse, déjà bien gangrenée, qui s’est ainsi retrouvée à 5 h du mat’ à être presque aussi nombreuse que les flics qui faisaient une grosse « opération » dans un quartier « sensible » ; il s’est attiré les sympathies de tous les puissants de Lagardère à Bouygues arrivant à avoir des numéros de Paris Match titrant « Un destin en marche » ; après le Karcher (grosse erreur mais « possible » dans l’instant) il s’est montré assez con et buté pour se répéter, en meeting, rajouter les mots pedigree et racailles ensuite. D’individus coupables on est alors passés à des bêtes qu’on penserait presque à piquer…
A une crise en profondeur dans les banlieues, devenues depuis 10-20 ans pour certaines, de véritables ghettos réunissant échec scolaire, habitations vétustes et économie grise, il ne sait que répondre par la force, l’ajout (plus ou moins réelle d’ailleurs) de policiers, le vote d’un nombre record de lois touchant la délinquance, la répression systématique et la suppression stupide, car totale et politicienne, de la police de proximité.
Sarkozy voit le monde comme quelque chose de fini, d’établi, de déterminé. Il y a ceux qui travaillent et les autres, ceux qui se lèvent tôt et les autres, ceux qui ont peur dans le métro et les autres.
Alors même que c’est tout le système de « récompense face au mérite » qui est en panne, lui répond qu’il faut consolider ces écarts, ces fractures, ces injustices =>
Ceux qui sont dans la merde le sont parce qu’ils devaient y être, point barre. Il nous l’a brillamment rappelé il y a quelques jours dans son entretien à philosophie magazine en expliquant que la pédophilie était pour lui probablement déterminée génétiquement tout comme le suicide (alors même que l’une des bases de la sociologie s’appuie sur une étude sur les faits provoquant le suicide dans une population, rien de génétique là-dedans, voir Emile Durkheim). Je passe sur la levée de bouclier que ces déclarations ont provoqué dans les milieux scientifiques.
Sarkozy, pourtant avocat, ignore totalement le principe de séparation des pouvoirs et s’est pris à plusieurs reprises pour un juge, critiquant des décisions prises par le pouvoir judiciaire.
Exécutif et Judiciaire doivent être séparé pour éviter tout conflit d’intérêt, toute pression sur le Judiciaire car la Justice doit être sereine. Si problème il y a, c’est au conseil de la magistrature de le dire ; si celui-ci est critiqué c’est au législateur d’agir.
Son bilan sur la sécurité ? Pour ce qui est de la sécurité routière, rien à dire en effet, pour le reste, je vous renvoie au rapport envoyé par le préfet de la Seine-Saint-Denis et publié dans Le Monde ainsi que vers les multiples remises en causes ici et là, ou tout simplement à novembre 2005 ou même encore au simple fait que Le Pen soit encore à 13-15% alors même que ces électeurs ont vu qu’il n’était pas éligible au 2è tour. Belle réussite.

Libéral économique sans cervelle (à nous la non-taxation des héritages, mesures promises par Bush et Berlusconi, c’est vous dire, baisse de 4 points des prélèvements obligatoires (même Tatcher n'avait pas osé) alors qu'on appartient à un gouvernement qui a augmenté d'un côté pour rependre de l'autre), c’est enfin et surtout, un véritable danger publique dans le domaine international. Puisqu’il considère les choses comme établies, il vénère forcément le chef, les Etats-Unis, quitte à ridiculiser l’image de la France par des prises de positions aveuglément pro-Bush ; quitte à critiquer une image « arrogante » sur la question du veto contre la guerre en Irak. Rappelons que sans cette menace, l’ONU, organe de paix, aurait rendu légal la plus grosse connerie militaire de ce début de siècle.
Non seulement l’élection de Sarkozy annihilerait des années de proximité, de coopération, de la France avec le monde arabe mais cela nous mettrait aussi en danger en Europe où son image également mauvaise (Le Soir, belge, a pris position contre lui tout récemment), pour une raison très simple : il est continuellement dans le rapport de force, la confrontation, l’inverse de la paix.
Sa campagne aura été du grand n’importe quoi, rappelez-vous en janvier, sans arrêt en train de changer de position, tantôt super-libéral, tantôt citant Jaures… Alors qu’on emmerde constamment Royal et Bayrou sur certaines choses (idées, déclarations…), quand pour la dernière fois avez-vous vu les propositions de Sarkozy tel que la création d’un contrat de travail unique (tu parles d’un détail !) mis clairement sur la table pour débat ?
Non le seul programme qu’on connaisse de Sarkozy c’est son tout-répressif qui rassure logiquement tout ceux qui sont (ou se croient, parmi les fans de J-P Pernaut) au contact du danger et son libéralisme économique, son hyper-activité (:rox:), qu’une grande partie de la population (de tendance droite surtout) estime nécessaire après 12 ans de Chirac.
Sarkozy est constamment, depuis 5 ans, dans le mouvement, la médiatisation des actions qu'il décide de montrer, jamais dans le fond ; toujours dans le rapport de force, jamais dans le consensus ; toujours dans la manipulation et l’égocentrisme, jamais dans l’honnêteté.
Dernière chose qui m’a totalement convaincu chez Bayrou, son discours sur l’éducation qui suit (février 2007 ?) :
http://www.bayrou.fr/propositions/ecole.html
Outre le fait que je retrouve, grosso modo, le même Bayrou qu’en octobre 2006 dans la série de vidéos citée plus haut ; son diagnostic et sa méthode, ouverte, consensuelle mais ferme sur les objectifs à atteindre, me paraît être exactement la solution à apporter à un système éducatif qui m’inquiète énormément et qui ne fonctionne plus comme « l’ascenceur social », « la récompense du mérite et du savoir » qu’il devrait être.
Or une éducation qui ne permet pas un renouvellement des élites, cela amène ces élites à vivre en cycle fermé. Aveuglées, elles finissent par pourrir, c’est exactement ce que l’on voit actuellement dans de très nombreux domaines à responsabilités.
Finalement je ne vous demande pas de voter Bayrou, chacun est libre de son choix, tout au plus j'ai essayé de donner un certain point de vue. D'ailleurs je peux très bien me planter, Bayrou peut ne pas être ou ne pas être capable d'imposer ses idées... Sur les idées je note que Rocard, Kouchner, et surtout une masse d'inconnus du grand public sont prêts à bosser avec lui et seraient d'autant plus nombreux après un second tour ; sur l'honnêteté, apparemment il y a quelques années, il tenait déjà un discours très proche de l'actuel, seulement cette fois il a ses chances :
http://www.dailymotion.com/video/x1o93x ... chage-clas
Finalement, le seul message est toujours le même : voter ; même blanc, voter.
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Merci d'avoir pris le temps de tout lire. Je lirais probablement les éventuelles réponses mais il me sera difficile de répondre (temps perso et plus qu'une semaine avant le vote).
Je dois aussi rajouter que si je poste ce message c'est tout autant pour exprimer un point de vue que pour convaincre. A partir du moment où je considère qu'une certaine décision est bonne, je vais essayer de la défendre. C'est quelque chose de nouveau pour moi puisque jusqu'ici, les précédents votes auxquels j'ai participés et me suis intéressé ne m'ont jamais donner suffisamment de certitudes pour me pousser à exprimer mon opinion et essayer de convaincre plutôt que, comme avant, me contenter d'informer et questionner.
C'est plus engagé et donc plus casse-gueule.
Bref vous voilà prévenus, maintenant, la question : pourquoi ?
Pour ceux qui n’ont pas envie de lire les détails, voici les deux principales causes qui vous permettront de juger sur pièce, pour les autres, c’est après que ça se passe :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=15126
http://www.bayrou.fr/propositions/ecole.html (la vidéo, y’a 2 passages longuets, 1 au début, l’autre quand il y a un problème dans la salle, préchargez la vidéo pour zapper ça plus vite. La partie éducation arrive après pas mal d’autres sujets)
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De base, depuis des années, je considère que l'environnement est totalement ignoré, méprisé, par les hommes et femmes politiques qui nous dirigent ou sont susceptibles de le faire alors qu’il s’agit pour moi d’un enjeu qui dépasse tous les autres en importance puisque de long terme. Je me suis donc, par défaut, prononcer pour les Verts pendant des années, chaque fois que le ou la candidate avait un minimum de crédibilité et/ou que les scores principaux étaient assurés.
Plusieurs problèmes pour cette élection par rapport aux Verts. 1° Le réchauffement climatique est désormais un fait visible par tous, même par les plus aveuglés (Juppé a même eu une illumination pendant son séjour au Canada), Bush est coincé, Hulot a fait signé un pacte à presque tous les candidats ; 2° Dominique Voynet n’a aucun charisme ni réelle crédibilité.
Je le dis d’autant plus facilement que j’ai fait l’effort d’assister à son discours d’investiture à Nantes. Ce fut un grand rafraîchissement puisque à l’époque tous les médias que je consultais parlaient de Sarkozy sans pour autant remettre en cause (ou même en perspective) ses idées ; soudainement là j’ai eu droit à plusieurs attaques en règle et mentalement c’était un grand bol d’air frais tout comme le fait d’entendre longuement parler de vrais débats de fonds : choix économiques, sociaux, énergétiques, etc.
Seulement au-delà d’un manque de talents d’oratrice (constamment sur un ton plaintif, larmoyant), Voynet m’a tout autant plu par certaines idées écologiques que repoussée par d’autres idées venant d’extrême gauche (nombreux chez les partisans verts) et/ou de tendances régionalistes. Je ne suis a priori pas contre discuter de ce genre de questions, mais je considère que ce n’est pas le cadre pour le faire. Rajoutez à ça que chez Voynet le chemin est très long entre les paroles et les actes… Bref, non.

Voynet éliminée, je me suis tourné d’autant plus facilement vers les socialistes que je suis de tendance gauche et que, très tôt, Ségolène Royal a parlé d’environnement et de manière concrète.
Nous sommes à la mi-2006, les primaires socialistes sont en préparation, les nouveaux adhérents pourraient enfin faire évoluer ce vieux parti qui se regarde le nombril depuis 5 ans.
J’ai beaucoup d’informations contradictoires la concernant. Dès qu’il s’agit de savoir ce qui se passe dans sa région, les réactions sont systématiquement négatives (complot ? Déjà ?). Son style, son apparence, trop hautaine et cassante pour moi, m’incite à être prudent… Mais être socialiste, une femme, dire que les 35h ne sont pas forcément une bonne chose, que l’environnement est important, que la transparence doit être de mise en matière d’utilisation des fonds publics, parler de l’après-pétrole, etc, le tout en adoptant une démarche différente qui ne soit pas dogmatique-socialiste.
Problèmes à nouveau, après les premiers bons échos que je viens de citer, vient la question de la cohérence, de la crédibilité, du fond.
Arrivent les primaires socialistes, fin octobre, début novembre de mémoire. Je penche plutôt pour Stauss-Kahn, qui me semble plus sérieux, plus solide… Mais qui reste un ancien prof d’économie, qui parle trop vite, trop analytique, trop France d’en-haut et gauche caviar. Côté Ségo, j’ai entendu tout et son contraire, info sur intox sur info, bref, mon avis je le ferai pendant les 3 débats socialistes. Problème, où les voir ou entendre ? Grâce à France Inter, j’apprends que France Culture diffuse. J’ai manqué le premier (paraît-il ennuyeux et convenu), j’aurais les 2 et 3è, écoutés avec un léger penchant mais très ouvert d’esprit.

Je passe sur la diction très étrange de Royal pour finalement reconnaître la réalité de mes soupçons de départ : incapacité chronique à débattre sur le fond, avec des arguments détaillés et solides ; et surtout, chose qui pour moi est aussi révélatrice que très importante pour un poste de Président de la République française, grosses lacunes sur le plan de la politique internationale, domaine sur lequel je m’estime suffisamment informé pour juger un minimum.
Autant je suis prêt à comprendre sa volonté de dialogue au Liban et en Israël, autant il y a certains sujets (tels ceux-là) où il est extrêmement dangereux de ne pas avoir de bases solides sur les forces, les problématiques en place. C’est d’autant plus grave que la France a une place particulière dans l’Union Européenne et que le monde a énormément besoin actuellement d’une Union forte, c’est-à-dire cohérente et engagée pour des valeurs différentes de celles défendues par les Etats-Unis notamment.
Je suis persuadé que Royal n’aurait pas été élue si les débats avaient réellement eu accès à un grand public. Seule une infime minorité les a suivis et ce qu’en on rapportait les journalistes était très sommaire. Je pense que sa qualification s’est faîte sur les sondages la présentant comme adversaire crédible de Sarkozy. Les partisans socialistes, toujours la tête dans le 21 avril et contrairement à la population globale ensuite, ont suivi les sondages. Or à ce moment-là, la population n’était pas encore dans la campagne et la connaissait donc très mal.
Royal qualifiée, il ne me restait plus grand chose, si ce n’est un neuneu ridicule qui m’amusait à moitié chez les Guignols de l’info… d’origine centre-droit par-dessus le marché, Bayrou…
Ceci dit, l’image que j’avais de lui avait déjà évolué grâce à ma lecture de Marianne notamment (mais aussi d’autres journaux) qui avait noté, par exemple, sa prise de position sur la privatisation scandaleuse des autoroutes (à un prix très amical…) ou son refus de voter le budget déficitaire. J’avais aussi vaguement compris qu’il était un vrai internaute, mais bon... Un peu maigre pour en faire un vote possible.
Je vous passe les détails, pour moi, le vrai tournant à eu lieu à la fin janvier lorsque je suis tombé sur cette série de vidéos :
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=15126
1h d’entrevue demandée, 3 h au total. Des vidéos courtes (pas plus de 20min), j’ai commencé par le début en me disant que j’allais me faire ça pendant quelques jours… j’ai tout écouté le même jour.
Le style de l’entrevue est déjà quelque chose d’intéressant, pas de journaliste pris par le temps pour le couper au bout de 30s, pas de caméra à fixer (ou très peu)… Il est dans son bureau, avec ses bouquins, ses habitudes, son univers, son mac, ses manies même… Quelque part, je me dis que pour savoir s’il est honnête, c’est un très bon contexte, même s’il faut rester prudent.
Finalement, il m’aura totalement convaincu. Convaincu sur la bêtise des guéguerres internes qui pourrissent la politique française depuis trop longtemps et n’ont pas toujours étaient aussi présente (=> De Gaulle) ; convaincu sur la nécessité d’allier toutes les bonnes volontés pour traiter les graves problèmes auxquels sont confrontées la France et l’Europe (énergie, agriculture, immigration, défense) ; convaincu sur sa vision européenne et sur son analyse très nuancée du vote du référendum européen (il est le seul dans ce cas) ; convaincu sur la nécessité de rationaliser certaines choses simples et bien trop gourmandes en ressources telle que la décentralisation et la question de l’étage « département » avec la montée en puissance des communautés urbaines ou la simplification du versement des allocations par un système à point ; convaincu sur la nécessité d’une poursuite de la réforme des retraites en prenant notamment en compte la dureté du travail, dimension sur laquelle patronat (surtout) et syndicat ont, jusqu’ici, été incapables d’aboutir.
Sur beaucoup de ces sujets, j’avais déjà une opinion, ce qui m’a fait vraiment adhéré c’est bien la façon dont il pose le pose le problème. Si vous avez le bon diagnostic, alors vous risquez de donner le bon remède.

C’est tout le contraire d’une personne qui, à un problème, vous sort directement une solution sans être passée par les cases intermédiaires : Saddam Hussein ? Guerre (Bush). Voyous ? Karcher (Sarkozy). Ecole en panne ? Prof à 35h (Royal)... =>

Là où, par-dessus tout, il m’a convaincu c’est sur sa recherche d’équilibre, de faire en sorte de ne pas opposer traditionnels et progressistes, gauche et droite, sa volonté de recherche de consensus plutôt que de solutions peut-être plus claires, plus autoritaires dont il pourrait se glorifier par la suite mais qui ne servirait pas l’intérêt général mais simplement une partie de la population.
Quant à ce qui est d’une éventuelle 6è République ou de l’international, là encore, son approche posée et rigoureuse m’a convaincue. J’attends impatiemment, s’il est élu, de voir ce qu’il fera vis-à-vis de l’Afrique où l’image de la France est parfois détestable, et avec raisons.
J’ai (encore maintenant) certains doutes et objections sur le fond, il a, pour moi, des progrès à faire sur l’environnement, j’attendais une position plus nuancée sur la Turquie… mais globalement, la différence est très nette. Il ne joue pas dans la même catégorie que ses 2 concurrents.
Trop flou, pas de programme ? Mauvais arguments, quand on cherche à faire un gouvernement d’union, on n’arrive pas avec des propositions toutes faîtes et non-négociables ; encore plus lorsque l’on veut freiner le style autoritaire pour aller vers celui du consensus.
Et Sarkozy ?
Je me suis beaucoup interrogé sur Sarkozy, beaucoup moins sur la majorité des attaques qui lui étaient faîtes pendant 5 ans que sur ses actes.
Par moment, face aux caricatures dont il faisait l’objet, j’ai réellement cru qu’il était dans une optique « arrivé par n’importe quel moyen au pouvoir pour ensuite mettre en place ses idées, librement et totalement (sous-entendu, jusqu’ici « on » l’en empêche) quitte à faire le contraire de ce qu’il pense (en participant à un gouvernement Chirac par ex)». Mais d’une part son opposition a été parfois uniquement de façade ou bien extrêmement silencieuse (Suez-GDF, CPE, Irak), d’autre part, et c’est bien là tout le problème : « n’importe quel moyen ».
Ce type a totalement corrompu une presse, déjà bien gangrenée, qui s’est ainsi retrouvée à 5 h du mat’ à être presque aussi nombreuse que les flics qui faisaient une grosse « opération » dans un quartier « sensible » ; il s’est attiré les sympathies de tous les puissants de Lagardère à Bouygues arrivant à avoir des numéros de Paris Match titrant « Un destin en marche » ; après le Karcher (grosse erreur mais « possible » dans l’instant) il s’est montré assez con et buté pour se répéter, en meeting, rajouter les mots pedigree et racailles ensuite. D’individus coupables on est alors passés à des bêtes qu’on penserait presque à piquer…
A une crise en profondeur dans les banlieues, devenues depuis 10-20 ans pour certaines, de véritables ghettos réunissant échec scolaire, habitations vétustes et économie grise, il ne sait que répondre par la force, l’ajout (plus ou moins réelle d’ailleurs) de policiers, le vote d’un nombre record de lois touchant la délinquance, la répression systématique et la suppression stupide, car totale et politicienne, de la police de proximité.
Sarkozy voit le monde comme quelque chose de fini, d’établi, de déterminé. Il y a ceux qui travaillent et les autres, ceux qui se lèvent tôt et les autres, ceux qui ont peur dans le métro et les autres.
Alors même que c’est tout le système de « récompense face au mérite » qui est en panne, lui répond qu’il faut consolider ces écarts, ces fractures, ces injustices =>

Ceux qui sont dans la merde le sont parce qu’ils devaient y être, point barre. Il nous l’a brillamment rappelé il y a quelques jours dans son entretien à philosophie magazine en expliquant que la pédophilie était pour lui probablement déterminée génétiquement tout comme le suicide (alors même que l’une des bases de la sociologie s’appuie sur une étude sur les faits provoquant le suicide dans une population, rien de génétique là-dedans, voir Emile Durkheim). Je passe sur la levée de bouclier que ces déclarations ont provoqué dans les milieux scientifiques.
Sarkozy, pourtant avocat, ignore totalement le principe de séparation des pouvoirs et s’est pris à plusieurs reprises pour un juge, critiquant des décisions prises par le pouvoir judiciaire.
Exécutif et Judiciaire doivent être séparé pour éviter tout conflit d’intérêt, toute pression sur le Judiciaire car la Justice doit être sereine. Si problème il y a, c’est au conseil de la magistrature de le dire ; si celui-ci est critiqué c’est au législateur d’agir.
Son bilan sur la sécurité ? Pour ce qui est de la sécurité routière, rien à dire en effet, pour le reste, je vous renvoie au rapport envoyé par le préfet de la Seine-Saint-Denis et publié dans Le Monde ainsi que vers les multiples remises en causes ici et là, ou tout simplement à novembre 2005 ou même encore au simple fait que Le Pen soit encore à 13-15% alors même que ces électeurs ont vu qu’il n’était pas éligible au 2è tour. Belle réussite.

Libéral économique sans cervelle (à nous la non-taxation des héritages, mesures promises par Bush et Berlusconi, c’est vous dire, baisse de 4 points des prélèvements obligatoires (même Tatcher n'avait pas osé) alors qu'on appartient à un gouvernement qui a augmenté d'un côté pour rependre de l'autre), c’est enfin et surtout, un véritable danger publique dans le domaine international. Puisqu’il considère les choses comme établies, il vénère forcément le chef, les Etats-Unis, quitte à ridiculiser l’image de la France par des prises de positions aveuglément pro-Bush ; quitte à critiquer une image « arrogante » sur la question du veto contre la guerre en Irak. Rappelons que sans cette menace, l’ONU, organe de paix, aurait rendu légal la plus grosse connerie militaire de ce début de siècle.
Non seulement l’élection de Sarkozy annihilerait des années de proximité, de coopération, de la France avec le monde arabe mais cela nous mettrait aussi en danger en Europe où son image également mauvaise (Le Soir, belge, a pris position contre lui tout récemment), pour une raison très simple : il est continuellement dans le rapport de force, la confrontation, l’inverse de la paix.
Sa campagne aura été du grand n’importe quoi, rappelez-vous en janvier, sans arrêt en train de changer de position, tantôt super-libéral, tantôt citant Jaures… Alors qu’on emmerde constamment Royal et Bayrou sur certaines choses (idées, déclarations…), quand pour la dernière fois avez-vous vu les propositions de Sarkozy tel que la création d’un contrat de travail unique (tu parles d’un détail !) mis clairement sur la table pour débat ?
Non le seul programme qu’on connaisse de Sarkozy c’est son tout-répressif qui rassure logiquement tout ceux qui sont (ou se croient, parmi les fans de J-P Pernaut) au contact du danger et son libéralisme économique, son hyper-activité (:rox:), qu’une grande partie de la population (de tendance droite surtout) estime nécessaire après 12 ans de Chirac.
Sarkozy est constamment, depuis 5 ans, dans le mouvement, la médiatisation des actions qu'il décide de montrer, jamais dans le fond ; toujours dans le rapport de force, jamais dans le consensus ; toujours dans la manipulation et l’égocentrisme, jamais dans l’honnêteté.
Dernière chose qui m’a totalement convaincu chez Bayrou, son discours sur l’éducation qui suit (février 2007 ?) :
http://www.bayrou.fr/propositions/ecole.html
Outre le fait que je retrouve, grosso modo, le même Bayrou qu’en octobre 2006 dans la série de vidéos citée plus haut ; son diagnostic et sa méthode, ouverte, consensuelle mais ferme sur les objectifs à atteindre, me paraît être exactement la solution à apporter à un système éducatif qui m’inquiète énormément et qui ne fonctionne plus comme « l’ascenceur social », « la récompense du mérite et du savoir » qu’il devrait être.
Or une éducation qui ne permet pas un renouvellement des élites, cela amène ces élites à vivre en cycle fermé. Aveuglées, elles finissent par pourrir, c’est exactement ce que l’on voit actuellement dans de très nombreux domaines à responsabilités.
Finalement je ne vous demande pas de voter Bayrou, chacun est libre de son choix, tout au plus j'ai essayé de donner un certain point de vue. D'ailleurs je peux très bien me planter, Bayrou peut ne pas être ou ne pas être capable d'imposer ses idées... Sur les idées je note que Rocard, Kouchner, et surtout une masse d'inconnus du grand public sont prêts à bosser avec lui et seraient d'autant plus nombreux après un second tour ; sur l'honnêteté, apparemment il y a quelques années, il tenait déjà un discours très proche de l'actuel, seulement cette fois il a ses chances :
http://www.dailymotion.com/video/x1o93x ... chage-clas
Finalement, le seul message est toujours le même : voter ; même blanc, voter.
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Merci d'avoir pris le temps de tout lire. Je lirais probablement les éventuelles réponses mais il me sera difficile de répondre (temps perso et plus qu'une semaine avant le vote).