Rappel des faits : il y a un peu plus d'un an, un duel au sommet opposait le Jeune Titan Mayennais au Vieux Nain Sarthois. Au bout de la nuit et d'un match d'anthologie, le Vieux Nain l'emportait. Le lendemain matin, les deux vaillants adversaires se retrouvaient, mais le Jeune Titan n'avait pas récupéré, et le Vieux Nain gagnait aisément ce match, qui ne pouvait donc être considéré comme une réelle revanche.
Mais au moment où j'écris ce message, la revanche a eu lieu...
Alors que le premier match s'était déroulé en terrain neutre, le deuxième a eu lieu dans l'Antre du Jeune Titan Mayennais. Le Jeune Titan Mayennais prétendait n'avoir pas joué au tennis depuis un an, mais d'après certaines personnes bien informées, il s'agissait là d'un mensonge supplémentaire. En effet, juste après sa défaite, le Jeune Titan Mayennais s'était exilé en terres sudistes, prétendument en raison de ses études, mais plus probablement afin de pouvoir, un an durant, s'entraîner sans relâche dans le but de prendre sa revanche. Et que dire de la transformation ! Les ans ne s'écoulent pas de la même manière pour tous les âges, et si le Vieux Nain Sarthois avait perdu le peu de cheveux qu'il lui restait, si des rides étaient venues couvrir son visage disgracieux de vieillard asséché, si son ventre s'était épaissi et ses muscles atrophiés, le Jeune Titan Mayennais avait lui plus que jamais un physique d'Apollon : gueule d'ange, musculature de rêve, il ne faisait aucun doute que le Jeune Titan avait soulevé de la fonte et avalé des kilomètres pendant l'année écoulée. Pour ne rien arranger, le Vieux Nain Sarthois traînait une douleur au poignet droit ("J'ai le poignet droit qui craque", put-on l'entendre dire), et depuis le matin au réveil une douleur à l'épaule droite - si l'on ajoute que le Vieux Nain est droitier, on comprendra qu'il n'était pas aidé. Là où la mécanique du Jeune Titan Mayennais répondait au doigt et à l'œil, celle du Vieux Nain Sarthois trahissait le poids des ans.
Après une rapide prise de contact, les deux opposants se dirigèrent vers le court où devait se dérouler la joute. Jamais avare d'une sournoiserie, le Jeune Titan savait que son terrain se situait en plein soleil, or étant donné la calvitie avancée du Vieux Nain Sarthois, le risque d'insolation était réel. Heureusement le Vieux Nain a de l'expérience et, tel Andy Roddick, il avait emporté une casquette. L'échauffement effectué, le match débuta. Malgré les gestes félins et la puissance surhumaine du Jeune Titan Mayennais, le Vieux Nain Sarthois faisait le break dès le premier jeu - joie de courte durée, car le Jeune Titan passait la surmultiplié, et en quelques minutes, le score passait à 4-1 en sa faveur ! Las !, victime de sa jeune peau douce et fragile comme celle de l'abricot, le Jeune Titan, craignant l'apparition d'ampoules, demandait l'intervention du médecin afin de se faire poser des pansements aux doigts. Le Vieux Nain Sarthois profitait de cette coupure pour se reconcentrer, et à la reprise, il parvenait à stopper l'hémorragie : 4-2, mais 5-2 l'instant d'après sous les coups de boutoir du Jeune Titan Mayennais. Le Vieux Nain Sarthois allait-il revenir du diable vauvert ? Le Jeune Titan Mayennais allait-il avoir peur de gagner ? La bataille atteignait des sommets d'intensité, et le Vieux Nain refaisait son retard, finissant par recoller au score. Mais alors, à 5 partout, le Jeune Titan reprenait sa marche en avant, et de nouveau le Vieux Nain était dos au mur. Puisant au plus profond de lui-même, bravant la chaleur, le Vieux Nain donnait le meilleur de lui-même et égalisait. Arrivait, comme l'année précédente, le tie-break... Une fois encore, tout allait se jouer sur des détails, et au terme d'une succession d'échanges de génie, le Vieux Nain l'emportait. Mais quid de la manche suivante ?
Le scénario du premier set commença par se répéter. En confiance, le Vieux Nain Sarthois se montrait offensif et breakait son adversaire. Mais vexé, le Jeune Titan Mayennais déployait l'artillerie lourde pour débreaker puis remporter son propre service. Le Vieux Nain Sarthois se retrouvait dans la même situation qu'au premier set, mais il trouvait les ressources nécessaires pour éviter que le scénario ne se reproduisît. Et au lieu d'être mené 3-1, il égalisait à 2-2. Mieux, il faisait de nouveau le break, puis le confirmait. A 4-2, la victoire n'était plus si lointaine. Mais le Jeune Titan Mayennais se mettait soudain à lâcher ses coups, il trouvait des angles prodigieux, et malgré une défense acharnée de la part du Vieux Nain, le Jeune Titan remportait point après point sur son service. A bout de forces, éprouvés par leurs efforts dans la touffeur aoûtienne, le Jeune Titan et le Vieux Nain se rendaient coup pour coup, et dans cette lutte terrible, chacun parvenait à conserver son service. De 4-2, l'on passa à 6-4 : le Vieux Nain, pour une année encore, avait préservé sauf l'honneur des Vieux, et plus généralement, il avait prouvé que l'Histoire ne penche pas forcément du côté des plus beaux, des plus forts, des plus intelligents, mais que parfois, elle pouvait aussi pencher du côté de ceux dont la seule vertu était l'abnégation.
Au terme du match, le Jeune Titan Mayennais confirmait son intention de retourner dans ses terres sudistes, probablement pour s'entraîner encore plus, tandis que le Vieux Nain Sarthois regagnait son domicile, perclus de douleurs qui, espérait-il, auraient le temps de se dissiper suffisamment d'ici à l'année prochaine pour pouvoir remonter sur le ring et participer à un nouvel épisode de ces affrontements de légende.
DOJOTENNIS : THE LEGEND WILL NEVER DIE