Toujours pour vider ma backlog list, je viens de terminer
Mother 3.
Troisième opus de la saga des Mother, c'est le jeu qui met en scène Lucas. Mais siiii, vous savez c'est cet insupportable copycat de Ness dans Smash Bros avec ses PK-Freeze de l'enfer !
Mother 3 donc qui est la suite directe d'Earthbound sur SNES. Enfin... "indirecte" serait plus appropriée car hormis quelques personnages très secondaires déjà présents dans l'opus précédent et quelques caméos, il n'y a aucun fil conducteur.
Sorti en 2004 sur GBA, douze ans séparent les deux jeux mais on retrouve le game design soigné et coloré de la touche HAL avec tout de même de belles améliorations.
Le gameplay se base sur les standards du RPG mais il s'est très largement étoffé par rapport à Earthbound. A la fois sur des phases de jeux ponctuelles (course, chariot, mini-jeux...) mais aussi dans des mécaniques récurrentes. Par exemple, le système de combat inclus un jeu de rythme basée sur le tempo de chaque musique associée à l'ennemi (plus de 50). Plus on tape en rythme plus on fait de dégât, mais c'est totalement facultatif : on peut très bien finir le jeu sans maitriser la chose.
Côté bande sonore justement, c'est du très bon aussi : comme dans les opus précédents il y a beaucoup de références à des musiques "réelles" (y a sûrement de quoi faire un blind test pour Benny

), des créations très touchantes ou entrainantes, bref tout ça colle parfaitement aux ambiances.
Et c'est en parlant d'ambiance justement qu'on rentre dans le cœur du jeu. Contrairement aux Mother 1 et 2 qui sont des pastiches assumés des USA et de leur culture populaire, Mother 3 se déroule dans un univers plus original et moins familier. Alors que Ness voyage dans l'Amérique profonde des années 80 dans Earthbound, toute l'aventure de Mother 3 se déroule sur un petit archipel où les habitants vivent en autarcie et où se mélange magie, technologie, évènements surnaturels, animaux étranges, légendes ancestrales, dinosaures, etc. Bien que le scénario soit relativement classique et sans surprise, il y a tout de même de vrais prises de risques qui payent niveau émotions. Il est d'ailleurs difficile de décrire avec précision les sentiments vers lesquelles le jeu amène le joueur : il y a une sorte de mélancolie globale qui émane du jeu, comme une fatalité, mais c'est aussi bourré d'humour (toutefois moins débile que dans Earthbound), la trame scénaristique est très sérieuse et en même temps le 4e écran est largement brisé, il y a des personnages secondaires complètement loufoques et décalés mais qui ont un rôle hyper important, certains éléments du jeu sont totalement absurdes dans des moments hyper sérieux et émouvants, etc.
Mais le réalisateur Shigesato Itoi, le papa de la série, arrive à doser l'équilibre parfait et ça marche super bien. La narration scénaristique est très présente, ce qui crédibilise beaucoup les personnages et l'histoire. Mais la force du jeu, c'est de faire vivre les évènements au joueur sous divers points de vue étalés dans huit chapitres, bien qu'à partir du 4e, Lucas devient le véritable héros de l'histoire qui va suivre une linéarité chronologique. En me renseignant sur le jeu, j'ai pu lire que certaines critiques le considèrent comme le jeu vidéo le plus proche d'un livre et je comprends ce qu'ils veulent dire. Lorsqu'on finit un chapitre, le suivant peut s'ouvrir après une longue ellipse, ou alors démarrer un peu en arrière mais en contrôlant un autre personnage (que l'on croyait secondaire jusque là) mais qui va apporter son lot d'éléments à l'histoire, etc. On avance dans l'histoire à la manière d'une lecture de roman.
Le développement du jeu a lui aussi toute une histoire rocambolesque : d'abord prévu en 3D sur N64, puis avec le retard reporté sur N64DD, pour être ensuite abandonné à 60% de sa conception, et finalement sortir le projet sur GBA avec une refonte totale et un retour à la 2D.
Du coup, j'y ai joué sur émulateur ordi avec fantrad FR de qualitay puisque le jeu n'est jamais sorti officiellement du Japon.
On devine facilement les raisons : par peur des censures à l'époque et des polémiques aujourd'hui. Plusieurs éléments sont en cause : les sept puissants mages gardiens du pouvoir ancestral de l'île sont en fait des travelos maniérés qui vivent dans des coquillages géants roses, l'antagoniste du jeu est le seul personnage au nom et aux traits arabe, au lieu de la traditionnelle auberge où récupérer des PV ici il faut se baigner à poil dans des sources d'eau chaude, même si on voit rien l'équipe est composée d'un garçon de 12 ans, d'une nana dans la 20aine, d'un chien et d'un vieux trentenaire qui boite), des hommes-tritons à grosses lèvres servent à donner de l'oxygène en te roulant des pelles, etc.
Au final Mother 3 est vraiment une étrangeté que j'ai adorée. Pour moi c'est un peu l'équivalent d'un film des frères Cohen : inclassable, et pourtant on y reconnait la patte de l'auteur, du coup ça devient un genre en soi ("film-des-frères-Cohen").
Si vous aimez les divertissements qui racontent une histoire où il y a du fond et de la forme, qui accordent de l'importance à la crédibilité et à la cohérence du scénario, alors vous aimerez. Ah et puis je pense que si vous aimez les RPG c'en est un cool aussi.