Pharaoh a écrit :"Pleurer de joie devant une oeuvre, c'est beau, mais pleurer d'un bonheur triste". Une oeuvre qui fait pleurer, c'est de toute façon un bonheur, parce que ça fait de ta souffrance, de ta tristesse à toi quelque chose d'universel et de sensible pour tout le monde. Ca te fait entrer en résonance avec le monde entier, tout le monde peut pleurer avec toi de la même tristesse qui est en fait devenue une joie.
C'est malsain de penser de la sorte. Tu valorises la tristesse et la souffrance par le fait qu'exposé elle soit bonheur, mais moi je suis dans le rapport de dire "en quoi pleures-tu ? Pleures-tu vraiment pour l'oeuvre, ou en fait derrière il y a autre chose qui est plus profond que ça ?" et voir le pourquoi de ta tristesse. Je dis pas que pleurer c'est de la merde, on peut très bien être saint d'esprit et bien dans sa peau, et pleurer parce qu'on trouve une oeuvre magnifique. Mais quel est le vrai message de tes larmes ? Beaucoup de gens sont dans une déchéance et s'éclipsent dans la dimension artistique pour oublier leurs problèmes (comme par pleins de choses, le travail, le jeu vidéo...) le fait de pleurer pour une oeuvre peut montrer en fait la dimension plus profonde de l'être qui souffre vraiment.
Je suis pas dans le rapport de dire "c'est génial on pleure ensemble !" mais pourquoi pleures-t-on, quelle est la véritable origine pour voir ce qu'il en est vraiment.
"Souffrir, c'est génial quand on le partage !" j'ai l'impression d'entendre ça de ta part.
Pharaoh a écrit :"la philosophie de la branlette comme notre chère élite française ou alors de la vraie philosophie "concrête" ?" Je me demande ce que tu appelles la philosophie de l'élite française. Mais ce que je peux dire, c'est qu'aussi bien Merleau-Ponty, Nietzsche, Arendt, Weil ou Kant, il y a des choses abstraites, mais c'est tout sauf de l'abstraction pure. Ca tisse des racines profondes dans la vie. Que ça soit de la philosophie qui réfléchit sur l'art, ou de la philosophie qui réfléchit sur la vie dans le but d'en éprouver le plus de jouissance possible comme font Nietzsche ou Spinoza.
Alors déjà on va faire simple : tous ceux que tu cites ne sont pas de mon bord (à part Kant et Nietzche sur certains aspect, notamment pour ce dernier qui voit l'aspect unique qu'a le christianisme par rapport aux reste (et puis y a pas beaucoup de français

)) après je n'ai jamais dit que c'était de l'abstration pure, justement, c'est très concret dans nos vies aujourd'hui, la morale kantienne et nietzschéenne est très présente en France. Ne me fait donc pas dire ce que je n'ai pas dit.
Mais après je vais dans la finalité même de ces philosophes, ont t-ils été efficaces dans leurs vision et ont t-ils amélioré le sort humain ? Ta beau parler avec ton jardinier, si au final il ne te coupe pas ton jardin, tu vas dire qu'il y a un problème, pour moi ces philosophes sont des jardiniers feignants.
Quand je parle d'élite française, je parle pas des gens mort il y a un siècle, je parle de ceux qui ont structurés la pensée contemporaine (Sartre, Foucault, Deleuze, Derrida). Et pour moi ça reste des petits bourgeois trop conceptuels en dehors du réel, ça serait impossible d'expliquer tout ça sur un forum en tous cas.
Pharaoh a écrit :Mais sinon l'art ça n'a rien d'abstrait, ça a des répercussions bien concrètes sur l'être. Si tu pleures quand tu écoutes une symphonie, quand tu contemples un tableau, quand tu lis un poème, bah désolé tes larmes ne sont pas des abstractions. Des notes de musique, c'est bien concret, tu les entends directement ; des mots, c'est comme une chair vivante que tu modèles ; de la peinture, la couleur, la toile, c'est bien concret. Le problème c'est qu'avec tout ça tu n'as rien, et tu dois créer totalement la chose. Tu dois concrétiser ton imaginaire. C'est pour ça que c'est supérieur à l'artisan qui se contente de reproduire un modèle. Là tu crées totalement, tu éprouves la jouissance de créer, de donner vie, d'objectiver ce qu'il y a de subjectif en toi. Tu étales au monde une expérience du monde. Un artisan qui n'a pas de modèle pour sa table mais qui veut faire une nouvelle table, avec son ressenti, son "style", il éprouvera une vraie difficulté et pourra déprimer. Mais je préfère déprimer toute une vie et éprouver la jouissance intense de créer, que de rester dans un petit bonheur faible toute ma vie.
Tu prend le problème complétement à l'envers, tu aurais eu zéro si c'était noté pour mauvaise compréhension de l'énoncé.
D'abord je n'ai jamais dit que l'art était abstrait, je dis qu'il est plus abstrait, c'est différent.
Je dis pas que la finalité est une abstraction, évidemment que le fait d'être ému par une oeuvre n'est pas une abstration, c'est une réalité, mais je dis que pour aboutir à ses émotions artistiques, il y a une abstraction plus grande.
Faire de l'émotion, ce n'est pas donné à tout le monde, c'est pas aussi simple que de faire une table droite. On est d'accord en fait, c'est juste que tu m'as pas compris.
Après je vois pas de quoi c'est "supérieur", parce que si l'oeuvre ne me procure aucune émotion, elle sera au contraire même inférieur à l'artisan parce que je te traiterai de branleur.
Ta dernière phrase je l'a trouve vraiment conne, pour moi c'est digne d'un petit bourgeois déprimé conceptuel, tu sera un bon philosophe parisien en fait
Pharaoh a écrit :Ton exemple avec la table n'est pas satisfaisant je trouve, au contraire. Ca rend la chose plus facile. Et pour prendre un philosophe français (donc un branleur de première je suppose

) (Bergson), plus les obstacles sont grands, plus la joie d'en triompher est grande. L'artiste il crée une oeuvre totalement unique, on aura beau faire des reproductions, ça sera jamais son oeuvre. Alors que l'artisan donne une table que mille tables pourront suivre. L'artiste il invite à jouir, l'artisan tel que tu le décris, il ne sert que pour le fonctionnel, ce qu'il y a de plus "trivial" dans la vie. C'est utile, mais ça ne rend pas pour autant heureux l'utilisateur. D'ailleurs, le rapport de la personne avec l'objet est celle de l'usage, qui n'est pas de la joie, c'est de la consommation (surtout avec nos objets qui durent de moins en moins longtemps, alors que c'est bien moins vrai avec des vrais objets). Alors que le rapport de l'homme à l'Art, c'est celui de la contemplation, de la pure jouissance. Ca nous rend la vie heureuse.
Mettre son bonheur uniquement dans des objets, ça me semble mal barré pour être heureux effectivement, mais mettre son bonheur uniquement dans l'Art, ça n'arrange pas non plus le problème.
(Bergson est un GROS branleur même

mais ceux que j'estime le plus sont aussi français

c'est toujours noir ou blanc chez nous

)
Tu es dans une sacralisation de l'artistique, je veux bien, mais il faudrait que tu saches que cela peut cacher aussi des troubles, des causes, que tu ne vois pas forcément avec une vision purement mièvre.
Et puis je rebascule sur la définition de l'artisan, contrairement à ce que tu crois, toi le petit bourgeois qui méprise le "beauf", c'est que l'artisan donne toujours une dimension artistique à ce qu'il fait, même dans un pot de fleur, contrairement aux entreprises multinationales qui en fabriquent des millions en usine.